Des larmes avaient léché son visage. Des larmes qui font d'un vieillard un jeune homme, d'un jeune homme un enfant, d'un enfant la souffrance pure. Sa tête était constellée de perles de malheur qui brillaient sous la lumière orangée d’un dernier rayon de soleil qui s’éteindrait quand tomberait la nuit. Déjà, le château était baigné de brume. Il était dans le parc sur l’herbe humide, humide comme ses larmes.
Misha lui laissait un blanc dans le cœur. Un amour pouvait-il s’éteindre si vite ? Avait-il le droit de l’abandonner si tôt ? Et quelle était cette étrange douceur qui le prenait quand il s’oubliait ? Il essayait de voir le visage de sa dulcinée, de sa flamme trop vite éteinte. Elle était là mais disparaissait, emportée par les brumes de l’oubli. Une autre ombre apparaissait, plus froide et plus puissante, une ombre qu’il ne connaissait mais qui lui faisait palpiter le cœur. Etait-il déjà infidèle à son premier amour ? En avait-il le droit ?
Devait-il suivre Misha pas à pas, rire quand elle rirait, pleurer quand elle pleurerait ?
Mais le soir qui tombait ne lui répondit pas.
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La nuit était là. Il marchait à pas lents. Il fredonnait.
« Ainsi nous n’irons plus ramer
Dans les profondeurs de la nuit
Malgré nos cœurs toujours épris
Et la lune qui luit »Les étoiles tremblotaient doucement dans le ciel.
« Car le glaive au fourreau survit
Et l’âme au cœur qui s’enveloppe
Nos cœurs doivent reprendre haleine
Et l’amour même veut une trêve »La Lune surgit de derrière un sombre nuage.
« La nuit est faite pour aimer
L’aube revient toujours trop tôt
Pourtant nous n’irons plus ramer
Sous la lune qui luit… »Le poème se finissait, son amour l’appelait. Il surgit de derrière un bosquet. Personne n’échappe au poignard sanglant qu’est son destin. Il La vit. Pâle au clair de lune, enveloppée d’une brume pudique, ses dents cruelles et pourtant si blanches mordant l’airain de la nuit. Son visage était dur, son visage était froid, son visage était grand. Sculpture ciselée, Vierge blanche au sein palpitant, elle était là.
Et il sut que l’amour l’avait pris.