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Absence...

De trop longues semaines déjà qu'elle ne l'avait plus vu, de trop longs jours où elle l'avait attendu, de trop longues heures à pleurer son absence. Elle n'aurait su dire depuis combien de temps elle n'avait plus vu Ilian, mais pas un jour elle n'avait cessé de pleurer, de crier sa disparition, son incompréhension aussi.

Dans sa chambre s'accumulait les vestiges de ce qui avait du être une vie normale, ses cheveux autrefois courts repoussaient en bataille, son visage fatigué ne semblait plus qu'un reflet de tristesse et la maigreur commençait à la gagner.
Rien n'était plus comme avant, rien n'allait plus et mêmes ses "crises" semblaient la reprendre.

Alors pour reprendre un semblant de vie, dans un sursaut de courage, elle était allée se promener au parc, loin du bruit du chateau pourtant presque déserté, loin des murs qui les avaient accuillis, elle.. et Ilian.

Et c'est dans ce décor qu'il réapparut.

Ses cheveux noirs volaient le long de son visage si fin, ses yeux d'un brun si foncé semblaient guetter le moindre mouvement de sa proie et un sourire de prédateur jouait sur ses lèvres fines. Il s'approcha, sans bruit, et posa ses mains sur les épaules nues de Lain qui sursauta à ce contact inattendu et dont le regard devint de suite effrayé.

-Pourquoi me craindre?

Lain tremblait plus violemment encore ne pouvant se défaire de ce regard, aucun mot ne semblant vouloir passer la barrière de ses lèvres, et elle tomba à genoux.

Un sourire satisfait vint se poser sur les lèvres de l'homme qui s'agenouilla face à la jeune fille. Ses yeux devinrent tendres, réconfortants et il eut un sourire aimable en emprisonnant le menton de l'autre dans la poigne ferme de sa main droite:

-Lyly, ne me reconnais-tu donc pas? T'as t-on donc fait vivre des choses si atroce que tu m'as oublié?

Un hoquet et les larmes coulaient le long des joues de "Lyly" qui murmura un "Adam" à peine audible. Il caressa sa joue d'une main qu'il voulait douce et écarta les mèches qui lui tombaient dans les yeux.

-Là, n'y songe plus Lyly. Tout ira bien. N'aies nulle inquiétude, je suis là pour toi, je ne t'abandonnerai jamais. Pardonne-moi.

Elle releva les yeux vers lui, pourquoi était-il là ce jour? Tâchait-il encore de profiter de ses faiblesses? Et pourquoi avait-il soudain dit tous les mots qu'elle aurait souhaité entendre? La vie n'était-elle qu'un éternellement recommencement?

Il l'enveloppa de sa cape et de ses bras et la serra contre lui de sorte qu'elle ne puisse voir le sourire triomphal qu'il arborait. Lentement sa main dessina la courbe du dos de celle qu'il aimait et l'aidant à se relever, il plongea son regard impérieux et envoûtant dans celui de la belle.

-Es-tu prête...à me suivre?

Lain hésita, jeta un regard au château et baissa les yeux. Lentement elle se hissa sur la pointe des pieds et embrassa Adam, l'homme d'hier, l'homme de demain. Lentement, il l'embrassa, passant sa main dans ses cheveux, ses doigts un à un se ressèrent telle une serre et ils disparurent en transplanant.

Durant quelques minutes encore, l'absence, celle de Lain, résonna dans le parc de Poudlard et puis plus rien, comme si finalement elle n'avait jamais eu d'importance, comme si elle n'avait jamais existé.

La salle dans laquelle ils avaient transplanné était inconnue à Lain. Petite, elle semblait au premier ou deuxième étage d'un bâtiment ancien mais la fenêtre était trop haute pour qu'on puisse apporter plus de précision. Le lit qui trônait en son centre ne laissait pas de doute sur la nature de la pièce: c'était une chambre. Le tapis qui courrait sur le sol dénotait un souci d'attention qui tranchait nettement avec la poussière qui s'accumulait sur les meubles d'un style déjà vieux.

La gifle, elle, fut aussi inattendue que le lieu, brutale, subite, elle laissa une marque d'un rouge vif sur la joue de Lain à nouveau tombée à genoux et qui tentait de retenir ses larmes. Adam la toisa, ôtant d'un geste brusque sa cape avant de lâcher d'une manière vive un "pourquoi" qui aurait tout aussi bien pu être une insulte.

Pourquoi? Là était la question que Lain aurait voulu poser. Pourquoi être venu? Pourquoi l'avoir emmené ici? pourquoi l'avoir trompé? pourquoi l'avoir frappé?

Adam se pencha vers elle et la releva en la tenant fermement par le menton:
-Pourquoi l'avoir choisi, Lui? Pourquoi être parti? Tu savais que je n'approuverai pas.

Lain esquiva la seconde gifle mais ne trouva rien à répondre et dans un élan de stupidité, de peur se serra contre Adam, aggripant de ses mains tremblantes sa chemise; suppliante.

-Tu viens tardivement, et encore il a fallu que je vienne te chercher ma Lyly. Tu le sais pourtant que tu avais fait une bêtise, une grosse bêtise. Mais tu ne le referas plus? ... N'est-ce pas?

Lyly leva les yeux d'une enfant appeurée vers Adam et recula de trois pas avant d'hocher docilement la tête. Il s'approcha, saisit brutalement son bras et arracha la bague dont Ilian lui avait fait cadeau:

-Je préfère m'en assurer par moi-même. N'y vois rien de personnel... j'aime que ce qui est à moi, le reste.

Il s'approcha d'un pas plus calme et la prit dans ses bras avec douceur. Calant sa tête contre son torse, il caressa ses cheveux et déposa un baiser sur le sommet de son crâne.

-Là, là. Ca va aller. Je sais que je ne suis pas facile, pardonne-moi...pardonne-moi. Chuuut... ne pleure plus.

Il caressa sa joue, plongeant son regard d'un noir devenu doux dans les yeux gris de la jeune fille.

-Ce n'est pas ta faute, je sais. J'ai été trop dur, mais tu comprends que tu ne peux pas faire n'importe quoi, ma princesse? Tu ne peux pas tout gâcher, sur un coup de tête. Qu'est ce que je dirais moi si tu venais à te briser? Je ne pourrais pas te remplacer tu sais.

Il déposa ses lèvres contre les siennes et l'emmena jusqu'au lit où il l'assit, pareille à une poupée de chiffon. Il prit ses mains dans les siennes et caressa ses doigts, doucement.

-Mais ce n'est pas grave, tu ne désobéira plus désormais. Tu seras sage, tu seras docile. N'est-ce pas ma petite poupée? Ma porcelaine, tu m'appartiens maintenant et je te protégerai. Tu es l'objet qui m'est le plus cher, ne l'oublie jamais.

Lain leva deux grand yeux vides vers Adam et lui fit un pâle sourire en acquiescant. Deux larmes fines vinrent tracer des sillons sur sa peau blanche, deux larmes qu'elle laissa couler sans rien dire, ni faire. Doucement elle baissa la tête contemplant ses deux mains, ses deux mains... nues.

Quelques jours s'étaient écoulés dans cette pièce devenue la prison grise de Lain, où elle apprenait peu à peu à accepter sa condition, à baisser les bras, à ne plus se révolter.
Un poid infini semblait s'être abattu sur ses épaules trop frêle tandis qu'elle attendait et redoutait les visites d'Adam. Voyait-il d'autres femmes durant ses longues absences? Lain en doutait, mais après tout cela ne lui aurait pas semblait étonnant.

Les hématomes qui peu à peu avaient parsemé son corps ne lui semblaient plus aussi effrayant qu'autrefois et elle s'y était peu à peu habituée, convaincue que ce n'était qu'un prix à payer. Finalement, même dans l'horreur, elle avait fini par trouver un quotidien et pour l'aider à le surmonter un remède: l'écriture.

"Misha,

Voici ma première lettre, peu de chance que ce soit la dernière.
J'ai beau me dire que tu ne recevras jamais ses mots que je ne t'enverrai pas, j'ai, en écrivant ton nom, l'impression que tu me soutiens.

Me pardonneras-tu de vous avoir quitté sans rien dire? Sûrement, tu n'es pas de celle qui garde rancune, pour ma part je crois que jamais je ne saurais m'excuser d'un tel acte, enfin la vie est devant, inutile de revenir sur le passé.

Tu étais la seule au château auprès de laquelle je me sentais capable d'évoquer Adam et aujourd'hui que je suis à ses côtés, je voudrais te dire que je l'aime, d'un amour sincère, d'un amour docile et que j'accepterai tout, absolument tout, de mon démon.

Ses coups ont beau pleuvoir sur mon corps, je ne me rebellerai plus. Ses mains ont beau se serrer contre ma gorge parfois, je ne regretterai plus. Sa violence j'ai appris à la tolérer puisque je ne peux l'aimer, je refoule mon horreur lorsqu'il s'infiltre contre mon corps, pressant, m'arrachant cris et douleurs, je ravale mes nausées lorsqu'il me brutalise, j'oublie mes peurs, je les enterre.

Je crois qu'il faut savoir se contenter de simples instants de bonheur. La vie n'est pas heureuse, Mishke, elle n'est qu'un vaste drame mais parfois elle nous laisse la chance de sourire et ce ne sont que ces instants qu'il faut savoir se rappeler.

Aussi j'aimerais te décrire sa tendresse lorsqu'il se baisse lentement vers moi et effleure mes lèvres, lorsque, prudent, il caresse ma joue, lorsque, aimant, il me serre dans ses bras puissants. Je n'espère plus que continuer... sans rien changer... sans mariage...sans demeure... sans enfant,...sans rêve?

Le voilà,
A plus tard peut-être"

Adam effectivement entra dans la pièce, lui laissant à peine le temps de dissimuler sa lettre. Il ne fut attentif à aucun de ses mouvements, il était dans ses jours où la colère, la folie semblait le gagner et où la violence était son unique moyen d'expression. Il était de ces fois où sortant victorieux il abandonnait une Lyly pleurante dans un écrin de draps défaits. Il était de ces jours qui se ressemblent trop.

"Mishke,

J'apprend peu à peu à me détacher de la situation. C'est une étrange impression que celle qui me gagne, lorsqu'il me frappe j'ai la sensation de devenir absente, comme une obervatrice extérieur. Je sais, je sens qu'il frappe encore, plus fort peut-être comme pour me reprocher de ne plus crier, d'avoir cesser de pleurer. Peut-être a-t-il l'impression de perdre doucement sa domination sur mon esprit? Je sais qu'il ne me pardonnerait pas d'être indépendante.

Alors j'ai envie de t'écrire simplement, avec la banalité avec laquelle me vient cette phrase, cette constatation: Il va me tuer.

Ces mots que je me répète inlassablement sonnent toujours plus vide. Et plus je m'en persuade, plus je m'en moque. C'est fou combien l'être humain est fou. Autrefois, j'avais la certitude que rien ne valait la vie, qu'il fallait tout donner, tout sacrifier pour pouvoir vivre ne serait-ce qu'une seconde, aujourd'hui, amère, je songe que la vie ne vaut rien.

Mon inconscience d'enfant, mon attachement à ce qui était un passé de rêve m'aura jeté dans un cauchemar que j'avais pourtant déjà vécu.

Jour terne, mois morne, année grise... je ne compte plus les secondes en observant le ciel par la fenêtre. Je ne sais encore si Adam a pris conscience de posséder une morte, s'il a compris qu'il avait éteint en moi ce qui me semble être la dernière étincelle de vie, peut-être s'en moque t-il finalement.

Car qu'importe, oui qu'importe...je suis morte."

Regard vide, elle referme sa lettre qui va rejoindre la dizaine d'autre. Elle regarde un instant dans le miroir son visage aimaigrie qui demeure pourtant la seule partie de son corps qu'Adam n'ose pas meurtrir. Son regard glisse sur ses bras parsemés d'écorchures et d'hématomes et il lui semble un instant être une autre.

Ses jambes frôlent le sol, mais ce ne sont plus réellement les siennes, n'est-ce pas? Elle avance légèrement, d'un pas fragile, mais ce n'est déjà plus elle qui marche, n'est-ce pas? Car après tout qui pourrait encore songer à appeler vivant cet étrange fantôme de chair qui erre entre les murs gris d'une prison qui n'aurait jamais due en être une.